Selon une récente étude de Credit Suisse, la grande majorité des 400 faillites enregistrées en 2016 chez les détaillants suisses concernaient de petits commerçants. Franc fort, concurrence d’internet, loyers élevés, tourisme d’achat, uniformisation de l’offre avec la venue de grandes chaînes: les raisons sont multiples. En cause également: l’évolution des habitudes d’achat.
Offre pléthorique
Entrer dans La Bricotine, c’est pénétrer dans un dédale d’accessoires en tous genres: bougies, vaisselle, cartes postales ou encore savons et jouets d’enfants. «Proposer de petits cadeaux pour tous les âges, voilà notre credo», lance la propriétaire, Valérie Von Brodowski, 52 ans. Un choix «non spécialisé» qu’elle assume. Derrière son sourire se cache toutefois une profonde détresse. Depuis janvier, les affaires vont mal: des ventes en baisse de 30%, 28 000 francs de chiffre d’affaires mensuel contre les 40 000 habituels. «La faute aux travaux qui ont obstrué la vitrine durant plus de trois mois, au loyer de 3400 francs qui ne cesse d’augmenter, à la vente en ligne aussi», souffle-t-elle.
Présent sur internet, mais sans proposer de vente par correspondance, le magasin a-t-il manqué le virage numérique? «Je ne crois pas, répond la patronne. Une boutique en ligne, c’est comme un deuxième point de vente. Cela fonctionne pour les grandes enseignes, moi je n’ai pas les moyens, j’ai déjà dû me séparer de la moitié de mon personnel et je ne me verse quasiment plus de salaire depuis deux mois.» L’été fera figure d’ultime test. Si elle n’a pas de quoi renflouer son stock à la rentrée, Valérie Von Brodowski cessera son activité.
6000 fermetures depuis 2010
Selon le cabinet d’analyse GfK, quelque 6000 points de vente physiques ont déjà disparu en Suisse depuis 2010. Les ventes en ligne ou par correspondance ont, elles, progressé de 10% en 2017 soit 8,6 milliards de francs. Selon Credit Suisse, le site allemand Zalando a engrangé 624 millions de francs cette même année en Suisse.
Alors que les dépenses dans les biens de consommation se sont réduites à 91,5 milliards de francs en 2017, soit le niveau de 2007, comment attirer le client? Philippe Bovet, président de la Société coopérative des commerçants lausannois, qui regroupe 250 enseignes, reconnaît que les temps sont durs: «Il faut s’adapter à une nouvelle donne, une mutation à laquelle tout le monde ne survivra pas.»
Présence active sur internet
Nouvelle donne, certes, mais les fondamentaux n’ont, selon lui, pas changé: se préoccuper des besoins du client, être à l’écoute, s’adapter, miser sur le service. «Nouveauté à l’ère du lèche-vitrine en ligne, une présence active sur internet et sur les réseaux sociaux avec un site vitrine pour être bien référencé.» Un engagement considérable pour être présent sur tous les fronts que les commerçants, accaparés par la gestion du quotidien, n’arrivent pas toujours à honorer.
Pour Philippe Bovet, la fameuse «expérience de vente» semble définitivement être la nouvelle norme: «A l’époque, on parlait de consommateur, puis de client; aujourd’hui, il faut tisser une relation de confiance avec un ami.»
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